L’indiscipline et la violence en milieu scolaire

L'évaluation contre la recherche ?*
Louis Marmoz

Les délires normatifs d’une bibliométrie succincte nous conduisent à prendre clairement position.

S’il peut paraître normal, même si on peut le regretter, qu’un bailleur de fonds – en tant que tel et pour des raisons autres que scientifiques – détermine et applique les critères de son goût pour financer des opérations, il est inacceptable pour une vraie communauté scientifique de laisser utiliser et de se laisser juger par simple négligence au travers de critères retenus seulement parce que facilement maniables.

En ce sens la période actuelle est exemplaire, et déterminante ; les chercheurs qui jusqu’à présent avaient réussi à travailler dans le cadre heuristique, même si parfois désordonné, des libertés universitaires, risquent de n’avoir droit de chercher, de n’être reconnus comme chercheurs, que s’ils sont financés ; la mesure de la qualité de la recherche, problème toujours difficile à résoudre, se simplifie : elle se mesure à l’aune des crédits ; crédits qu’elle a consommés et qui lui permettent d’en obtenir d’autres ; on pourra parler alors de grands laboratoires et en faire une hiérarchie claire : une hiérarchie financière.

Face à ces raisonnements simplistes mais d’autorité, des universitaires osent maintenant, individuellement ou collectivement, les commenter, voire se rebeller ; plutôt que s’installer définitivement dans une attitude de mendicité auprès de financeurs éventuels, plutôt que de se contenter timidement de reconnaissances purement administratives – qu’elles soient maniées par des collègues, des administrateurs ou des gestionnaires, ils dénoncent les dérives des folies de classement actuelles parce que ce sont des pratiques d’exclusion. Or, la recherche suppose accueil et ouverture.
 
Il nous a paru important que l’AFIRSE, à partir de son site, accueille ces réflexions.
 
Nous avons choisi de publier d’abord deux textes, de natures et d’accents différents.
Le premier est un appel français, « les revues de sciences humaines et sociales doivent-elles être classées ? » signé par une centaine de revues scientifiques surtout francophones – dont la recherche en éducation –  et plusieurs milliers de chercheurs, qui met en garde contre un système de classement des revues qui conduirait, d’une façon camouflée ou non, à une évaluation de la productivité des chercheurs et des centres de recherche. C’est bien le principe même du classement et de son sens qui est en cause et non la question de savoir si telle ou telle revue est « bien » classée.
Le second est un texte rédigé par notre collègue João Boavida de l’Université de Coïmbra intitulé « les politiques d’évaluation scientifique ». Il dénonce la réduction des paramètres de l’évaluation des centres de recherche et soulève en particulier la question de la langue : au nom de quoi faut-il que dans un pays (le Portugal n’est pas le seul en jeu) les seuls articles retenus pour qualifier un chercheur doivent-ils être rédigés dans une langue étrangère, comme si recherche et culture nationale s’opposaient ?
 
Nous espérons que la mise à disposition de ces textes facilitera les échanges. Nous pourrons, de la même façon, publier les informations et les contributions qui nous parviendront.
 
LM
 
*Pardon de reprendre ici une partie du titre – « l’évaluation contre la recherche : critique et connaissance des politiques éducatives » – de notre intervention au colloque organisé par l’AFIRSE à Carcassonne en 1991 et dont les Actes, Les évaluations, publiés par les Presses de l’Université du Mirail, restent un document d’une grande richesse pour comprendre le contexte actuel.

Les revues de sciences humaines et sociales doivent-elles être classées ?

Un débat très important agite, depuis 2008 au moins, la communauté internationale des chercheurs. Il concerne les revues et les modalités de leur classement, de leur notation et de leur évaluation. L’évaluation des revues n’est pas neuve (pensons par exemple au classement proposé par le CNRS en 2004), et les chercheurs sont familiers de la logique de hiérarchisation, plus ou moins formelle, qui sous-tend les pratiques scientifiques. Il nous semble même normal, sensé et essentiel que soient mises en valeur et distinguées les revues dont la qualité scientifique est reconnue par les professionnels de la recherche. Mais selon quels critères et selon quelles modalités ? Aujourd’hui, il nous paraît urgent de faire connaître notre position sur cette question, d’autant que la signification de la liste française de revues établie par l’AERES (Agence d’Evaluation de la Recherche et de l’Enseignement Supérieur) s’est vue confortée par la réforme du statut de l’enseignant-chercheur promue par l’actuel gouvernement.
Pourquoi ce projet de réforme, qui met les chercheurs dans la rue depuis bientôt deux mois, s’inscrit-il dans le prolongement direct de la création de l’AERES et de son classement des revues ? Parce qu’octroyer à l’AERES le monopole de l’évaluation des chercheurs consiste tout simplement à faire des revues les supports privilégiés de la discrimination et de la compétition entre chercheurs. Une fois la réforme adoptée, ces derniers seront jugés uniquement sur le nombre de leurs publications et sur la note attribuée, par l’AERES, à la revue dans laquelle ils auront publié. Pour le dire autrement, si un chercheur publie un texte dans une excellente revue spécialisée, mais mal (voire pas du tout) classée par l’AERES ou par son aîné l’ERIH (European Reference Index for the Humanities), il ne sera pas considéré comme un « bon » chercheur, et verra son travail confiné aux tâches enseignantes et administratives. Il n’aura donc plus l’occasion de mener à bien ses recherches et de les publiciser.
Pourquoi cette réforme est-elle en totale inadéquation avec la manière dont fonctionnent nos revues ? Même si elles reposent sur le principe de la sélection et de la critique constructives, les revues en sciences humaines et sociales n’ont absolument pas vocation à noter les chercheurs ! Elles produisent et transmettent un savoir. Qu’elles soient spécialisées, généralistes, ou interdisciplinaires, leur objectif est d’informer la communauté scientifique, de transmettre de nouveaux programmes de recherche, de poser des problèmes, de discuter des méthodes, de stimuler les interprétations, et non de récompenser ou sanctionner les individus.
La logique comptable et compétitive de l’actuelle réforme met à mal, tout particulièrement, le rôle des « comités de rédaction », qui travaillent en effet collectivement à l’élaboration d’une ligne éditoriale, en fonction de laquelle les articles sont sélectionnés ou non pour la publication. Les placer en position de faire le tri entre « bons » et « mauvais » chercheurs, c’est introduire, dans leur travail, d’autres considérations que celles qui président à la ligne éditoriale de la revue. Or les membres d’un comité de rédaction ne sauraient être réduits à la fonction de froids administrateurs, fidèles aux critères de sélection dictés par la mode du moment ou par une conception homogène et stagnante des définitions de la scientificité. Une revue n’existe pas non plus sans le travail d’un comité de lecture dont l’avis consultatif ou le pouvoir décisionnel sont absolument cruciaux. Il revient en effet au comité de lecture de juger les articles répondant à l’appel à contributions lancé par une revue. Les choix de publication qu’effectue un tel comité n’ont rien de neutre, et il n'y a donc aucune raison pour qu'il en existe une forme unique et supérieure. Là encore, se joue l'identité d'une revue.
La course à la publication, le risque de discriminations injustifiées et de renforcement des dissymétries, l’accumulation de critères de sélection mal ajustés aux situations spécifiques : voilà ce que propose aujourd’hui le Ministère de la Recherche aux revues dont certaines sont pourtant mondialement réputées pour leurs qualités scientifiques et l’originalité de leur ligne éditoriale. Voulons-nous d’une classification arbitraire des revues ? Voulons-nous que les revues soient instrumentalisées, pour ne plus devenir, en fin de compte, que les « chambres d’enregistrement » des ambitions individuelles des chercheurs ? Non, car cette logique compétitive et quantitative correspond mal aux temporalités de la recherche en sciences humaines et sociales. Faire du terrain, aller aux archives, formuler de nouvelles hypothèses, proposer des interprétations, écrire, et penser, tout cela prend du temps ! A l’inverse, être condamné à publier à tout prix, n’importe où, n’importe quand, afin d’éviter la relégation dans la catégorie « mauvais chercheur » est tout simplement incompatible avec les exigences d’un travail de recherche honnête.
Les mutations actuelles de l’Université font peser un grand nombre d’incertitudes sur l’avenir financier et matériel de la plupart des revues. Beaucoup d’entre elles étant liées à des institutions, des laboratoires, des centres de recherche, amenés à être restructurés si l’AERES et l’ANR (Agence Nationale de la Recherche) en décident ainsi, elles risquent clairement leur survie ! Il faudrait donc mener une réflexion digne de ce nom sur les modes de subvention des revues. D’autant que dans le contexte d’un tarissement évident des abonnements de bibliothèques et d’une baisse non moins évidente des ventes de sciences humaines et sociales en librairie, les revues se retrouvent confrontées aux questions de la numérisation et de l’édition électronique. En dépit de l’existence de portails comme Cairn et Revues.org pour la mise en ligne des revues « vivantes », ou Persée pour les anciens numéros de revues, la France accuse encore un certain retard dans le débat sur ces questions, faute de prise de conscience politique sur le sujet. Et pour cause : le Ministère de la Recherche nous dit que la revue va devenir le moyen central de l’évaluation des chercheurs, mais ne songe même pas à ce qu’est réellement une revue de sciences humaines et sociales ! Il en ignore farouchement les modes de fonctionnement, les usages, l’originalité éditoriale, les soutiens et modes de financement. Ceci, finalement, n’étonnera guère, puisque force est de constater que le gouvernement actuel veut engager à toute vitesse la réforme de la recherche, sans même avoir pris le temps d’en connaître ni les acteurs ni les supports.
Nous exigeons que les revues ne soient pas transformées en instruments de contrôle des chercheurs, et appelons donc à une suppression des listes de revues AERES, dans le prolongement de la demande de moratoire du 9 février 2009 par les instances scientifiques du CNRS. Nous demandons que soient préservées la pluralité, la diversité et les spécificités des revues de recherche en sciences humaines et de sciences sociales.
Comités de rédaction des revues signataires
Actes de la recherche en sciences sociales, Annales du Midi, Champ Pénal, Clio. Histoire, Femmes et Sociétés, Communications, Etudes Roussillonnaises. Revue d'Histoire et d'Archéologie Méditerranéennes, Genèses. Sciences sociales et histoire, Gérer et comprendre, Hérodote, Interrogations, Journal des anthropologues, L’Homme, La Recherche en éducation. Revue électronique internationale francophone, Le Temps des médias, Politix, Revue d’histoire du XIXe siècle, Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée, Revue du MAUSS, Revue Française de Socio-Economie, Ruralia, Tracés. Revue de Sciences Humaines, Travail, genre et société.

Les politiques d’évaluation scientifique
(Portugal)
João Boavida*
Université de Coïmbra´

1. Évaluations et implications

L’évaluation des centres de recherche par la Fondation pour la science et la technologie, en faisant appel à des panels de professeurs étrangers, pourra, très certainement, rendre les universités et les centres de recherche plus compétitifs. En principe, les évaluateurs étrangers, avec leurs références internationales, pourront nous donner une image plus objective de notre valeur et nous pointer des chemins de développement.
Cependant, réduire l’évaluation à quelques paramètres suprêmes non seulement n’est pas correct, en termes d’évaluation, mais peut avoir des effets pervers. Nous pouvons nous méfier d’un programme défini à l’avance pour donner certains résultats. Après les avoir obtenus, il devient facile de justifier le financement de certains centres et le non financement d’autres, en créant une hiérarchie de centres de recherche qui correspond à l’idée programmée. Il devient ainsi facile de créer de grands centres, ceux qui plaisent, ou des domaines scientifiques privilégiés, et d’en finir avec d’autres. Il suffit de fixer certains critères pour obtenir facilement des résultats objectifs, au service d’intentions subjectives.
Il est certain qu’existent de bons et de mauvais centres de recherche et que les meilleurs méritent un appui. Mais il est tout aussi évident que si certains critères sont fixés sans tenir compte des circonstances d’évolution des institutions, ni des spécificités des domaines, ni du changement des paradigmes qui leur a été imposé, les évaluations ne seront pas justes.
Par exemple, un centre qui vit surtout de la recherche d’un groupe de professeurs, surchargé d’activités enseignantes et de beaucoup d’autres, ne pourra pas entrer en compétition avec un groupe de chercheurs à temps complet, même si ce dernier réunit des chercheurs d’un niveau inférieur. Une faculté qui, par exemple, édite ses revues scientifiques et doit garantir leur publication régulière, court le danger de disparaître si tout ce qui y est publié, même de bonne qualité, ne compte plus pour les évaluations du travail des chercheurs. Tous ces éléments, avec d’autres, devront être pris en compte.
Il est bien connu que l’anglais s’est transformé en langue universelle et en véhicule d’excellence de la recherche et de la diffusion scientifique. Mais, un ministre portugais pourra-t-il se permettre de fixer des critères d’évaluation selon lesquels les articles publiés dans des revues d’autres langues ne comptent presque pas pour l’évaluation, même s’ils sont publiés dans des revues sérieuses et exigeantes?
Les grandes langues de la culture européenne (exception faite de l’anglais et, donc, de l’américain) ne se trouveront-elles pas, alors, vouées à l’affaiblissement et à la disparition?

2. Il est difficile de bien évaluer

L’évaluation de la recherche scientifique menée par le Ministre a une justification. Il serait nécessaire de revaloriser la carrière de chercheur et de créer de grands centres de recherche.
Cependant, les universités ne peuvent pas se transformer en des lycées de premier ordre. Les universités, surtout celles qui détiennent une plus grande masse critique, ne peuvent cesser d’être des centres de recherche. C’est dans celles-là même que se trouvent le plus grand nombre de spécialistes des divers domaines et, si nous désirons vitaliser la recherche, nous ne pouvons pas éloigner du système les étudiants. Ils doivent avoir une formation en recherche, apprendre à chercher, comme cela est souligné par le processus de Boulogne.
Si l’on souhaite avoir une Europe dynamique, du point de vue scientifique et technique, on ne peut pas enseigner comme avant, c’est-à-dire avoir des élèves qui écoutent les professeurs, qui étudient simplement à partir de leurs notes et des photocopies pour un seul test. En changeant les modèles de formation et d’évaluation des élèves, en demandant une autre attitude aux professeurs, on exige qu’ils soient des professeurs, mais aussi des chercheurs. L’enseignement et l’apprentissage doivent pouvoir se nourrir et grandir à partir de la recherche.
Et pourtant, une certaine pondération s’avère nécessaire, ainsi qu’une évaluation de tous ces facteurs. Si les professeurs, à présent, interagissent beaucoup plus avec les élèves, et si les travaux et l’évaluation se multiplient, les professeurs ne pourront plus supporter la charge enseignante et administrative qui leur est imposée, en règle générale. La recherche ne peut pas se faire tard le soir, ni les fins de semaine, ni pendant les vacances. Ce serait un travail inhumain et de faible performance.
D’autre part, si les articles publiés par certaines revues américaines sont les seuls qui comptent, la situation se bloquera à court terme. En effet, des milliers de candidats seront alors désireux de pouvoir voir leurs articles publiés par ces mêmes revues. Et, si nos revues ne publient plus de bons articles, et dans des langues autres que l’anglais, la culture européenne s’en ressentira. Une pondération adéquate de ces productions peut et devra se faire. Bien sûr, un évaluateur international, en principe, n’évalue pas la qualité d’un article écrit en portugais, mais ceci n’est tout de même pas un obstacle à son évaluation. Il y a beaucoup de façons de le faire.
D’autre part, ces critères bénéficient très certainement aux chercheurs des soi-disant sciences “dures”. Les sciences sociales et humaines, de par leur objet de recherche et d’étude et les champs où elles sont nées, sont plus “proches” de notre culture et de ses voies de diffusion, ce qui devient un inconvénient, dans ce cas-ci. Or, la connaissance construite par les sciences sociales à partir d’une réalité donnée a une utilité sociale, surtout pour ceux concernés par elle. Donc, il nous est possible de dire que cette évaluation a été amputée. Les problèmes humains et sociaux seront-ils moins importants que les atomes et les molécules ?

3. Céder et bousculer

Nous avons essayé de comprendre ce que le Ministre de la science, de la technologie et de l’enseignement supérieur veut pour la recherche scientifique, mais son point de vue est limitatif. En tant que scientifique, son idée est qu’il n’existe qu’une seule science, la science expérimentale et exacte. Mais, la science n’est pas simplement ce qu’il pense, ou ce qu’il met en valeur, et, par conséquent, le désintérêt vis à vis des sciences sociales et humaines n’a pas de justification scientifique et, donc, non plus, politique.
Nous pouvons avoir deux attitudes quant à l’analyse et l’évaluation des centres de recherche. La première tiendra compte de tout ce qui a été bien fait et évaluera tout ce que le centre a produit, les circonstances inhérentes, le personnel et les moyens disponibles lors de la réalisation de son travail. L’autre attitude sera de faire évaluer les centres en fonction de critères limités qui entraînent la dévalorisation de ce qui a pu être produit sans entrer dans ces critères, cela sans tenir compte des particularités de chaque centre.
La première attitude nous ferait valoriser ce qui a été produit et, sous l’exigence de certaines améliorations, nous ferait progresser encore. Le deuxième choix nous fait réduire la recherche à un modèle si étroit que la production s’en ressentira drastiquement. Le Ministre n’a pas retiré tout appui aux sciences “molles”, mais 60% des centres de recherche en sciences sociales et humaines et à 40% en sciences expérimentales ne seront plus financés. Ces chiffres sont assez éclairants. Cela permettra d’atteindre l’un des objectifs probables, épargner de l’argent, et concentrer la recherche dans les domaines de sa préférence et dans les centres de sa sympathie.
Il est clair qu’il faut moderniser le Portugal en dynamisant et qualifiant ses scientifiques et ses centres de recherche. Mais la question est de savoir si le processus est efficace et quels sont les domaines qui présentent les plus fortes carences. Autrement dit, la politique au Portugal se poursuivra-t-elle par secousses ? Ou devra-t-elle continuer à osciller entre la routine et des secousses brutales?
Il faut rappeler que notre politique éducative (et scientifique) avance par sursauts depuis les réformes du Marquis de Pombal au XVIIIe siècle. Et que tout le XIXe siècle s’est fait d’avances et de reculs entre modernes et conservateurs. Et de même pendant le XXe siècle. De 1910 à 1926, avec des lois très d’avant garde, mais sans résultat dans un pays qui était en retard et politiquement instable. De 1926 à 1974, le pays se trouvait dans un sommeil profond, se réveillant à la fin des années 60 sous la politique de Veiga Simão. Après le 25 avril, nouvelle agitation, avec des sauts en avant et chacun essayant de détruire ce que le précédent avait fait. Cependant, le résultat de toutes ces sursauts n’est pas brillant.
De ce fait, le ministre devrait peut-être essayer de savoir :
1. ce que chaque centre de recherche fait le mieux
2. comment peut-on l’améliorer plus encore à partir de ce niveau
3. comment l’internationnaliser sans rejeter sa meilleure production

4. Les cultures peuvent-elles se détruire?

La traditionnelle influence française dans notre culture est connue. Mais le déplacement du centre de gravité de l’Europe vers les États-Unis, au cours du XXe siècle, le pouvoir américain, économique et politique, la recherche scientifique américaine, les universités et la massive colonisation audiovisuelle, ont rendu l’anglais langue dominante.
Même si l’on accepte cette situation, devrait-on, ou non, prendre certaines distances sanitaires? Certains perçoivent là un dilemme : si nous l’acceptons, nous nous noyons, en tant que culture, dans le courant le plus fort ; si nous la rejetons, nous serons isolés, loin de la ligne d’arrivée, de l’économie et de la science. Mais, les dilemmes sont parfois plus présents dans les esprits rigides qui les formulent que dans les situations qu’ils désirent traduire ; par conséquent, les choses peuvent se voir autrement, car un équilibre semble tout de même possible et désirable.
Le problème est sérieux. À long terme, il peut signifier un grand affaiblissement de notre culture. Peut-on affirmer que ce problème ne concerne que la science et l’économie ? La science et l’économie ne sont-elles pas les plus grands facteurs de dynamisation et de structuration sociale et culturelle ? L’influence est énorme sur presque toutes les sphères culturelles. On le voit, par exemple, si nous allumons nos stations de radio, si nous y comptabilisons le nombre de promoteurs de musique anglo-américaine vifs et excités et si nous évaluons l’acculturation rapide qui règne là par rapport à la musique portugaise. Reste la littérature, comme domaine de notre spécificité culturelle. Mais pour combien de temps ?
Si le portugais n’a plus d’expression scientifique, les scientifiques ne parleront que l’anglais et les étudiants devront aussi parler l’anglais à l’université. Cette langue fera des autres langues un salmigondis, comme il s’est avéré avec le latin vulgaire. Ou bien, les scientifiques et les hommes cultivés se renfermeront par groupes, isolés de la population, en retirant aux cultures l’aliment qui leur procure de la vie et de la force. C’est nous qui devons décider si nous voulons cela, ou non.
Il est bon de rappeler aux politiciens que le portugais est une langue en expansion, parlée par plus de deux cent cinquante millions de personnes. Il faut créer et valoriser les lexiques scientifiques, les structures syntaxiques formés par une pensée exigeante et complexe. Le portugais est suffisamment riche et souple pour le faire. Les langues gagnent en statut, ou le perdent.

5. Deux ministères en lutte

Ainsi, les cultures doivent exiger qu’on ne leur rouille pas expressément les pistons. C’est-à-dire, elles devraient être obligées de répondre aux niveaux plus exigeants de leurs problèmes essentiels. Et la langue, à ce niveau, sera la condition et la force, le moteur et le carburant.
Le fait que l’anglais domine maintenant la politique, l’économie et la science ne nous oblige pas à transformer le portugais en une langue de parias, car elle n’est pas une langue de parias. La littérature nous le démontre, ainsi que beaucoup de publications scientifiques et philosophiques. Et, si, en termes scientifiques, nous ne sommes pas une langue d’importance – c’est aussi le cas de la majorité des autres, il n’est pas fatal que cela continue éternellement. En effet, les personnes et les situations peuvent requalifier le portugais comme langue scientifique et de pensée, ou bien l’empêcher de l’être.
Le ministère de la science a rendu publics des chiffres qui montrent une grande évolution, concernant les doctorats, les recherches et les articles scientifiques. Il est étrange que le ministère n’arrive pas à comprendre que si l’occasion de voir le portugais se développer comme langue scientifique et de culture est écartée, il nous donnera d’une main pour en retirer, beaucoup plus, de l’autre.
La langue portugaise est en expansion, du point de vue quantitatif et qualitatif. Il serait inacceptable que, nous-mêmes, nous l’empêchions de se développer dans les domaines de l’exigence scientifique et de la pensée abstraite. En ne prenant pas en compte les publications scientifiques en portugais, même pas les bonnes, le Ministre fragilise le ciment de nos structures culturelles et l’huile de nos fonctions intellectuelles. Si la spécificité et les possibilités de la langue portugaise ne sont pas encore ressenties, comme il serait souhaitable, au niveau de la science et de la philosophie, rien n’empêche que cela ne se ressente bientôt. La langue portugaise a ces possibilités, mais finira par les perdre si nous inhibons continuellement son expression dans ces domaines.
Toutefois, il faut faire attention. Ce n’est pas parce que c’est notre langue qu’elle devra devenir plus forte, mais parce que c’est avec elle que nous sommes. Et que nous l’avons été et que nous le serons. Ce n’est pas ici une question nationaliste, mais bien une question culturelle. Et ce phénomène est beaucoup plus sérieux qu’un scientifique peut le penser. Il ne s’agit pas de préserver notre langue, l’évolution linguistique brise toutes les chaînes, ni de la défendre, elle n’en a pas besoin, elle sait se défendre. Mais il ne faut pas lui interdire de développer ses capacités. Bien sûr, nous ne savons pas jusqu’où ses capacités peuvent se développer mais nous savons qu’elles s’affaibliront si nous lui retirons les conditions de développement.
Ceux qui ne se sont pas encore aperçus qu’il y a là une guerre entre le ministère de la science et celui de la culture sont bien distraits.

* Traduction de M.T. Estrela; révision de L.Marmoz

A quoi servent les revues ? 1 Le choix de La recherche en éducation
Louis Marmoz

La réponse à la question posée par le titre de cet « avertissement » nous paraît immédiate : à présenter, à réfléchir, à réagir, à échanger et à progresser. D’autres verbes pourraient encore être utilisés, mais ceux-ci indiquent bien l’intention des promoteurs de la revue La recherche en éducation 2. Exposer des connaissances, expliquer les moyens par lesquels elles ont été construites et ce que l’on peut en faire… Permettre aussi d'agir et d'y réagir.
Cela correspond à des volontés que l’AFIRSE s’attache à concrétiser : faciliter le rapprochement des chercheurs en éducation des différents continents autour d’intérêts communs et augmenter les possibilités d’échanges scientifiques que les nouvelles technologies favorisent.
La revue La recherche en éducation, dont l’ouverture aux différents paradigmes, approches et théories est une marque de naissance, privilégie la publication d’articles présentant des recherches réalisées selon des démarches méthodologiques précisées et de critères de validité identifiés, des propositions d’ordre méthodologique et des réflexions d’ordre épistémologique, des bilans sur l’état de la recherche et des témoignages sur le vécu de recherches.
Le singulier apparent de son titre est en réalité un pluriel car, si toutes exigent des modalités précisées et la possibilité de leur contrôle, les recherches qui composent la recherche en éducation sont multiples et composites, elles ne peuvent éluder la complexité de leurs objets et la nécessité de la multiréférentialité.
La recherche en éducation, sous un titre très classique, qui affirme un existant, un travail et une ambition, est une revue nouvelle : une revue scientifique, une revue francophone, une revue internationale, une revue électronique et par là permanente.
Une revue scientifique, puisqu’elle publie des résultats de recherche contrôlés, dont les modes de contrôle sont apparents, et que pour s’en assurer la sélection des articles est faite au travers de la critique des membres de son comité scientifique international et d’autres chercheurs attestés de différentes régions du monde et des différents domaines de la recherche en éducation.
Une revue électronique. L’intérêt en est évident : de consultation aisée, elle peut faire circuler ses contenus dès que disponibles, dans toutes les régions du monde, sans délais ni coûts, et, par là, apporte une visibilité internationale supplémentaire aux recherches présentées ainsi qu’un stimulus au dialogue immédiat entre les chercheurs. Comme revue électronique, La recherche en éducation a aussi à accompagner l’évolution des mentalités universitaires, encore très disparates vis-à-vis des vecteurs modernes : si les autorités québécoises n’acceptent maintenant d’aider que des revues scientifiques électroniques, certaines sections du CNU 3 français semblent ne pas en avoir encore remarqué l’existence…
Une revue francophone, bien sûr, puisque La recherche en éducation est la revue d'une association internationale francophone qui prône le développement des recherches et des échanges scientifiques en français. Une francophonie qui correspond à un mode d'expression mais qui est aussi de lutte, de lutte contre une expression scientifique en une seule langue obligée qui signifierait uniformisation des pratiques et inégalité dans le droit à la communication : La recherche en éducation n’est pas fermée aux locuteurs des autres langues dans la mesure où ils s’expriment dans leur langue maternelle et chaque numéro pourra accueillir un article au moins écrit dans une langue autre que le français 4. On doit pouvoir faire de la recherche et publier dans sa langue, en profitant de sa particularité et de sa finesse ; cela n’empêche pas de communiquer et, au contraire, peut affiner les compréhensions.
Une revue internationale enfin qui peut prendre en compte les recherches menées dans les différentes parties du monde, à l'Est comme à l'Ouest, au Sud comme au Nord, dans tous les pays, riches ou pauvres, dans et pour lesquels se développe la recherche en éducation.
Le premier numéro de La recherche en éducation correspond au second semestre 2008. La mise en ligne des articles qui le composent se fera sur toute la période 5, ce qui permettra de les mettre à disposition dès que validés et prêts, et, nous l’espérons, de susciter des réactions immédiates dont nous témoignerons.

Notes
1. Comme un écho – qui correspond à un travail continu – à une note publiée dans le journal Le Monde il y a près de 35 ans, « à quoi servent les congrès ? », en réaction à des interrogations défaitistes d’un collègue, où Jacques Ardoino, Gaston Mialaret et moi-même insistions sur l’importance des échanges scientifiques et sur la nécessité d’en publier les « Actes », d’en laisser trace.
2. http://www.la-recherche-en-education.org/
3. Le conseil national des universités, organisé par sections représentant des disciplines et dont les membres, universitaires eux-mêmes, ont à juger des recrutements et de certaines promotions des enseignants-chercheurs.
4. Dans certaines langues du moins : l’anglais, l’espagnol, l’italien, le portugais.
5. Ce qui signifie que la publication du numéro s’achèvera avec la période. Les numéros complets présenteront ainsi une numérotation semestrielle et une pagination classique
 
 
Portes ouvertes ? Oui… mais soyons prudents.
Gaston Mialaret
 
L’AFIRSE, Association francophone internationale de recherche scientifique en éducation, utilise, maintenant, comme toutes les grandes organisations, les moyens modernes de communication (site, utilisation d’internet pour les transmissions et diffusion des informations). Ce progrès indiscutable ne va pas sans quelques risques que je voudrais rapidement rappeler.

Avoir son site, pour une organisation comme la nôtre, c’est jouer la politique des portes ouvertes, c’est-à-dire que tout le monde peut savoir quels sont nos objectifs, nos méthodes de travail, nos résultats, nos orientations scientifiques. Et c’est un grand progrès et un atout très positif pour la reconnaissance des champs de recherche des sciences de l’éducation.

Mais nos projets, nos programmes de travail et de colloques, sont des indices précieux et pertinents permettant aux consultants de notre site de se faire une idée de notre travail.

C’est la raison pour laquelle nous ne devons jamais oublier que le champ des sciences de l’éducation est très vaste et que chacune des disciplines scientifiques qui le constituent a un rôle à jouer dans l’analyse et l’interprétation des situations d’éducation. Nous ne devons donc jamais oublier, si nous ne voulons pas être étiquetés comme uniquement préoccupés, par exemple, par les problèmes financiers et techniques (voir « L’industrie de l’éducation), ou par les problèmes uniquement scolaires (« ce ne sont que des « pédagogues ! », ou par des questions relevant plus ou moins de la psychiatrie (« ce sont des chercheurs qui veulent jouer au médecin »), ou par l’enseignement de telle ou telle discipline (didactiques)…. qu’il est de notre devoir de scientifiques d’insister constamment sur la complexité des actes et des situations d’éducation et sur les nécessaires interprétations plurielles de nos résultats. Les sciences de l’éducation ne doivent pas apparaître comme la juxtaposition de disciplines scientifiques mais comme un ensemble cohérent sachant intégrer les apports des résultats des autres disciplines scientifiques pour faire avancer notre connaissance du monde de l’éducation. Dans notre champ d’études, toute question traitée par les spécialistes compétents ne peut laisser indifférents les spécialistes des autres disciplines qui, par leurs points de vue différents et souvent complémentaires, enrichissent la compréhension et l’explication des faits et situations d’éducation. Nous sommes bien, ici, en présence de l’unité et de la diversité essentielles des sciences de l’éducation.
 
 
Des groupes de recherche au sein de l’AFIRSE
Maria Teresa Estrela, Co-présidente

 A l’instar de l’ancienne AIPELF, dont elle représente à la fois la suite et le renouvellement exigé par l’évolution de la recherche en éducation, l’AFIRSE a, par sa propre nature, une culture d’ouverture au monde et à l’autre.
 
Ce mouvement de « mondialisation » a d’abord rassemblé surtout ceux qui, de par leur origine ou de par les trames de l’histoire, sont nés dans l’espace francophone. Ensuite elle s’est ouverte à ceux qui reconnaissent les apports de la culture et de la recherche éducationnelle française à leur formation. Ils sont tellement nombreux que des sections nationales ont surgi dans des pays non francophones comme le Brésil, le Mexique, le Portugal et plus récemment l’Espagne. Il s’agit d’un ensemble de pays qui, ayant une longue histoire de mondialisation, ont une culture et une identité forgées dans des échanges avec d’autres peuples. C’est pourquoi en ce qui concerne les sciences de l’éducation ils recueillent ce qu’il y a de mieux dans la recherche francophone sans pour autant se fermer à d’autres influences, intégrant tous ces apports dans la création scientifique qui porte sur leurs réalités nationales.
 
Cette «francophonie du cœur» est nécessairement associée à un exercice dialogique entre homogénéité et hétérogénéité, entre nationalité et internationalité, amenant parfois à des tensions mais aussi à la recherche de nouveaux équilibres. Et cette recherche de dialogue et d’équilibre se manifeste dans la propre composition du Conseil d’administration de l’AFIRSE, dans la présence d’auteurs de diverses nationalités dans ses publications, dans le site renouvelé de l’AFIRSE où tous peuvent faire écouter leurs voix, dans les rencontres scientifiques de cette organisation. Même les rencontres de l’AFIRSE qui ont un caractère national attirent des chercheurs d’autres pays et sont souvent bilingues, communiquant en français et dans les langues nationales.
 
Pour enraciner les liens entre les sections, les statuts de l’AFIRSE prévoient l’organisation de groupes internationaux de recherche qui ont jusque là fonctionné occasionnellement sur la base des relations et des amitiés personnelles. Cependant le monde a beaucoup changé ces dernières décennies, en concrétisant beaucoup des virtualités que les nouvelles technologies de l’information annonçaient depuis les années 60. Nous vivons maintenant en pleine société d’information disposant de moyens de communication que l’on croyait inimaginables il y a quelques décades. Dans la «société-réseau» ce ne sont que les entreprises qui s’organisent en réseaux fondés sur la collaboration et l’interconnexion, vivant dans un «temps atemporel» (Castells, 1997). La production culturelle et scientifique se développe, elle aussi, de plus en plus à travers ces nouvelles formes organisatrices qui contribuent à la construction de nouvelles identités et de nouvelles appartenances, favorisées par les nouvelles technologies de l’information.
 
L’internationalisation de la recherche et la circulation d’étudiants et d’enseignants dans l’espace européen et dans des espaces intercontinentaux ne permettent plus d’attitudes de renfermement ou de copinage. Etre dans la société d’information et y contribuer implique d’élargir les cercles, de s’ouvrir à ceux que nous ne connaissons pas, de trouver des intérêts communs, de se procurer de nouveaux espaces de liberté qui, sans nier celle de l’autre, préservent l’identité de chacun et postulent une éthique de la recherche liée à un sens de responsabilité élargie.
 
L’AFIRSE est par sa propre nature un réseau. Aussi ne peut-elle manquer de s’ouvrir à ces réalités, en exploitant toutes les possibilités de communication dont nous disposons actuellement. Une façon de ce faire est la création de groupes de recherche qui unissent ses chercheurs distribués sur plusieurs continents autour de thématiques communes. Cela est pour chacun une opportunité de briser son ethnocentrisme, de s’enrichir avec l’autre, à travers une vision élargie de la variété des problèmes et de leurs nuances locales, des solutions trouvées, des approches de recherche et de leurs possibilités et limites. C’est en réunissant les efforts qui permettent de donner à nos recherches une nouvelle forme qui nous pourrons construire des cartes de lecture des réalités, susceptibles de donner des contributions fiables aux décideurs, qu’il s’agisse des responsables politiques ou des praticiens. C’est une façon de contribuer à ce que la société d’information devienne une société éducative qui, en tant que telle, devra offrir à tous des égalités des chances.
 
Participer à des groupes de recherche de l’AFIRSE peut paraître difficile, face à la pluralité de tâches et de projets où chacun de ses membres est déjà engagé, mais rien n’empêche de tirer parti du travail qui est en train de se faire pour l’élargir et l’insérer dans des cadres nouveaux, sans renier les anciens. Difficile mais non impossible, si existe le désir de ce faire!
 
Participer à ces groupes implique surtout la volonté d’établir un dialogue entre égaux qui ne comporte pas de complexes de supériorité ou d’infériorité, de colonisateurs intellectuels ou de colonisés.
 
Participer à ces groupes de recherche est ainsi une façon de resserrer la collaboration, l’interaction, l’interconnexion dans un esprit de démocratie et de responsabilité à l’égard des autres qui, comme le prétend H. Jonas, doit s’exercer à l’échelle planétaire et engager l’avenir.
 
Participer à des groupes de recherche est enfin une façon de renforcer la cohésion dans l’AFIRSE et de réaliser sa vocation globale. En effet, nous croyons que le global se construit à partir du local, comme le soutient Paulo Freire : «Avant de devenir un citoyen du monde, j’ai été et suis un citoyen de Recife où je suis arrivé à partir de mon verger, dans le Bairro da Casa Amarela («Quartier de la Maison Jaune»). Plus je suis enraciné localement plus j’ai des possibilités de m’ouvrir, de me sentir citoyen du monde. Personne ne devient local à partir de l’universel. Le chemin existentiel est à l’envers».
 
Que ces groupes de travail deviennent le «verger» de l’AFIRSE globale est un souhait que nous souhaitons concrétiser. Pour ce faire, nous invitons les membres de l’AFIRSE qui ne l’auraient pas encore fait à s’inscrire dans les groupes de recherche qui sont déjà inventoriés dans le site ou en proposant d’autres qu’il leur paraît opportun de créer.
 
 
« Des couleurs et de la joie… »
Louis Marmoz, Président de l’AFIRSE
 
Des couleurs et de la joie, de l’information et des idées, du travail et des méthodes, des échanges et de la vraie coopération, le nouveau site de l’AFIRSE (Association Francophone Internationale de Recherche Scientifique en Education), préparé par Stéphane Edet, est fait pour nous faciliter l’accès à tout cela, faciliter le travail collectif comme les communications interindividuelles en matière de recherche en éducation, singulièrement sur les questions de méthodologie et d’épistémologie.
 
Car là est la fonction première d’une association comme l’AFIRSE : permettre aux chercheurs d’échanger en toute liberté, de confronter leurs pratiques, de s’interroger sur le sens des recherches et les méthodes qui les construisent ; en particulier, s’interroger sur la question de la preuve : quand savons-nous que nous avons fait un pas nouveau en matière de connaissance ou de compréhension ? On a trop souvent tendance à utiliser des canaux extérieurs pour en juger, succès médiatiques ou autres, et les approches prétendument sérieuses d’évaluation, comme les comptabilités de références, si elles sont aisées à établir, sont, on le sait, tout aussi faciles à détourner.
 
Apprenti constant, le chercheur doit pouvoir à la fois prendre plaisir à son travail et en accepter la critique, qu’elle vienne de lui ou des autres. Mais encore faut-il que la critique existe, qu’une fausse politesse ne l’interdise pas ; trop souvent, chacun dans son compartiment croit s’y suffire et préfère ignorer ce que font les autres, sauf à surveiller que des intrus n’entrent pas dans ce compartiment qu’ils prétendent, faute d’imagination et peur de l’autre, territoire réservé ! Chacun dans son coin, les carrières peuvent progresser, pas la recherche ; les monopoles, volontaires ou non, y sont destructeurs.
 
L’AFIRSE est une association « francophone », et « internationale ». Cela ne veut pas dire que le français y est langue obligatoire : l’international l’emporte peut-être sur le francophone… Certes, comme association francophone, l’AFIRSE d’abord réunit des chercheurs qui manient la langue française, qui lisent le français et peuvent communiquer dans cette langue, qui éventuellement produisent dans cette langue. Mais elle veut aussi rappeler et témoigner que la science se fabrique dans toutes les langues et que ce n’est pas la force financière des pays qui l’utilisent qui rend une langue plus scientifique, plus propice à la recherche qu’une autre.

Il importe que les chercheurs se comprennent, communiquent ; ce n’est pas un sabir appauvrissant qui le permet et il me parait toujours honteux pour les pays qui les accueillent d’y voir tenir des colloques uniquement dans une langue qui leur est étrangère, même si c’est pour « faire sérieux »! D’autres voies d’échange et de diffusion doivent fonctionner.

Francophone, l’AFIRSE a vu se dérouler au Portugal et au Brésil des colloques en grande partie en portugais, au Mexique ou en Espagne en espagnol, au Maroc en arabe. Le français y est langue de référence mais il est normal que les chercheurs s’expriment dans leur langue, et n’interdisent pas à leurs compatriotes qui ne parleraient pas une langue étrangère la confrontation. Il ne s’agit bien sûr pas d’établir des monologues chacun dans sa langue ; la pratique de l’AFIRSE a montré qu’ainsi, la communication passait, les traductions aidant au besoin, et enrichissait les uns et les autres, sans exclusive.
 
Dans la continuité du travail mené jusqu’à présent, ce nouveau site de l’AFIRSE témoignera du travail mené dans les différents pays dans le cadre de l’AFIRSE, un travail d’échange et de précision sur les domaines qui ont fait depuis sa création la spécificité de l’association, la réflexion méthodologique et épistémologique ; une spécificité qui lui permet aussi de collaborer au profit des uns et des autres avec des associations de chercheurs plus disciplinaires ou thématiques.
 
Ce site est un outil ; comme tel, son utilisation l’affinera et le rendra plus efficace, pour le profit de la recherche, de l’éducation et de ses sujets.
   
A nous donc, membres et associés de l’AFIRSE, à partir des différents pays, de le manier !